Salon Maison et Objet 2016 : la tendance est au wild
Le salon Maison et Objets 2016 nous a réservé une jolie surprise avec l’avènement programmé du « wild », sous-entendu de la déco sauvage. Rassurez-vous, vous ne serez pas amenés prochainement à retourner dormir sous une tente. Mais les prochaines tendances s’annoncent plus « terre à terre ». En direct du salon Maison et Objets 2016 à Paris, François Bernard, spécialiste des tendances, explique pourquoi l’inspiration déco sauvage va tout emporter sur son passage. Rejet d’une société trop sophistiquée et régie par les nouvelles technologies ? Peut-être bien… Entretien.
La tente Macian des designers James Fox et Eve Izaak se présente sous la forme d'un kit d’attaches astucieuses pour lier les branchages sans aucun outil.
En ce début d'année 2016, le salon Maison & Objet Paris consacre son espace d'inspirations au phénomène "Wild", repéré et annoncé par son Laboratoire de tendances sous l'égide, cette saison, de François Bernard, fondateur de l'agence Croisements.
Maison créative : Pourquoi "Wild" ?
François Bernard : Le brut, le vivant, l'état sauvage, guident aujourd'hui les grands courants de réflexion et de création qui animeront les deux années à venir. On observe un rejet du trop lisse, du trop doux, du trop sophistiqué. Dans une société qui court vers le tout technologique parfait, l'imaginaire célèbre la Terre, les effets du temps, les saisons, la nature.
MC : Les arbres sont au cœur des représentations et des objets que vous mettez en scène pour illustrer ce thème...
FB : L'arbre devient le medium pour se reconnecter à soi-même. On voit se multiplier les cabanes, les objets en écorce... Tout cela crée une nouvelle esthétique propice à la contemplation, idéale pour se ressourcer.
2. Installation Big Trees (Pohon Besar) en bambou et béton, Joko Avianto, 2015. Vue de la façade du Frankfurter Kunstverein 2015. Courtesy of the artist.
3 . Commode Birchwood, Werner Neumann
MC : Les objets de déco devraient donc nous aider à nous évader vers de lointaines contrées ?
FB : Pas seulement. Le plus intéressant est de voir comment la nature est en train de gagner du terrain sur l'urbain, comment elle ensauvage notre quotidien en s'y insérant. L'état sauvage devient tangible et visible au détour d'un bâtiment, d'une pièce, d'un meuble, d'un plat... Il exacerbe les sens premiers de l'homme.
MC : Pourquoi ce besoin de communier avec la nature ?
FB : C'est l'instinct qui parle, c'est vital : face à la montée de l'hyperélectronisation, de l'intelligence artificielle et des vœux de transhumanisme, nous avons besoin de nous prouver que nous sommes encore en vie. Et de retrouver le plaisir des sensations physiques.
2. Fauteuil Sibirjak, Collection From Siberia, Anastasiya Koshcheeva. Le sibirjak est une technique ancestrale sibérienne pour travailler l’écorce du bouleau.
3. Tapis en écorce interne de pin de Lettonie, Sarmite Polakova en collaboration avec Esmé Hofman, Ad Coremans, Anita Virbule and Imants Ločmelis
MC : Comment s'exprime cette hypersensorialité à travers les objets ?
FB : La "peau" de la nature est mise en scène, l'écorce des arbres, les couleurs des paysages, des matières. Le jaune évoque le pollen par exemple, le gris, c'est celui du bouleau, le noir est calciné.
2. Céramiques Rust, Ariane Prin
2. Globe project / Pressed Project en époxy pressé, Studio Floris Wubben
MC : On remarque aussi de l'oxydation, de la rouille, des accidents...
FB : C'est l'action du temps qui passe, le cycle de la nature s'approprie les créations de l'homme, les dégrade. C'est cette part de hasard qui nous plaît tant. Depuis le XVIIIe siècle, l'idée de la modernité se fonde sur le rationnel. Cette nouvelle esthétique, au contraire, laisse le champ aux lois de la nature.
MC : Jusqu'où la nature reprend-t-elle ses droits ?
FB : Jusqu'au sacré, qui se traduit par un certain shamanisme. D'où des figures hybrides entre l'homme et l'animal, l'homme et la nature. L'imaginaire se tourne non pas vers un dieu, mais vers le non humain, vers tout ce qui ne découle pas du raisonnement humain.
2. Little Tree Friends, Marco Iannicelli